Le bio est-il passé de mode ? Non, il est plus nécessaire que jamais !
Après une période de forte croissance, le secteur de la bio est confronté à une crise. Les confinements, puis l’inflation galopante, ont fortement altéré l’engouement pour le bio. Si le marché montre des signaux positifs depuis quelques mois, ces derniers restent encore faibles.
Mais les acteurs du bio restent plus engagés que jamais et tirent les conclusions de cette période difficile. Ils veulent réaffirmer leurs convictions et sont prêts à défendre leurs valeurs, s’il le faut avec force, comme l’ont expliqué plusieurs experts lors de la conférence « Quel nouvel horizon pour la bio ? » qui a eu lieu au salon Marjolaine 2023.
⬇️ Pourquoi les consommateurs se sont-ils éloignés du bio et quels sont les axes à prendre selon les experts ? ⬇️
Pourquoi une désaffectation du bio ? 🧐
Les consommateurs se sont éloignés des produits bio. Et la première cause est le prix.
L’inflation est passée par là, et le budget alloué à l’alimentation s’est alourdi de 20 % en deux ans. « Le premier frein à la consommation du bio est le prix, et c’était déjà le cas bien avant la crise » explique Olivier Andrault, chargé de mission alimentation & agriculture à l’UFC — Que choisir.
Ce spécialiste du secteur de l’alimentation souligne que la grande distribution réalise des marges brutes bien plus importantes sur les produits bios que sur les autres. Pour 24 fruits et légumes courants (pommes, tomates, pommes de terre…), la marge brute est 75 % plus élevée pour les produits bio par rapport au non-bio, selon deux études réalisées par UFC — Que Choisir. Ces magasins souhaitant attirer le plus de monde possible, ils margent moins sur les produits d’appel et souvent transformés — ceux que l’on retrouve dans les publicités. C’est un des facteurs expliquant le prix du bio.
L’autre facteur de taille pouvant expliquer l’éloignement des consommateurs pour le bio est le brouillage informationnel. Entre les labels rouges, zéro résidu de pesticides, la certification Haute Valeur Environnementale (HVE), la démarche Bleu Blanc Cœur… ils ne savent plus quoi choisir.
Les consommateurs sont perdus, alors que selon certains experts, certains labels ne sont que des « escroqueries ». Deux exemples, comme le cite Dominique Techer, paysan, membre de la Confédération paysanne 33 et président de Bio Cohérence : HVE et zéro résidu de pesticides. Porteurs de promesses alléchantes, ces deux labels n’ont été évalués qu’à 1/5 en termes de bénéfices environnementaux et bénéfices socio-économiques par une étude menée par le WWF en collaboration avec UFC — Que Choisir. Seul les labels Bio et Nature et Progrès assurent de réels bénéfices dans ces domaines. Il est donc nécessaire de bien communiquer sur les réels avantages de tel ou tel label.
L’information est au cœur du nouvel horizon de la bio, qui doit réexpliquer ses fondements et sa raison d’être à des consommateurs perdus dans les allégations commerciales.
Bio : les axes à prendre 💪🏻
Pierrick de Ronne, président de Biocoop, explique les trois axes qu’il estime nécessaire d’initier pour les acteurs de la bio :
- Se structurer et anticiper
« Jusque-là, nous n’avons pas été très bons pour voir arriver les crises et s’adapter aux changements. Le marché est en réalité très volatil, et tout peut s’écrouler en six mois ». D’où la nécessité pour les acteurs de la bio de se grouper et de s’unir davantage, afin de mieux appréhender un environnement économique très fluctuant.
Comme le confirme Philippe Camburet, président de la FNAB (Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique), « nous avons vécu dans un climat de confiance qui nous a fait manquer de vigilance. Nous devons revoir notre stratégie pour devenir plus forts et mieux anticiper ».
- Défendre le label Bio
« Il nous faut faire preuve de pédagogie, et même être dans la capacité d’attaquer, pourquoi pas. Notamment le label HVE ».
Pédagogie, information, tels sont les mots qui reviennent dans la bouche des experts. « Informer, c’est la clé du nouvel horizon de la bio », clame P. Camburet, « la société s’éloigne de l’agriculture, de l’origine de produits, il est nécessaire de communiquer et de décrypter les négligences, le vrai du faux, les complicités… On nous vend beaucoup de choses déjà admises, mais il ne faut pas être dupe ». Et si on veut que le consommateur ne soit pas dupe, il doit avoir accès à une information juste et de qualité, et défendre le label bio pour ce qu’il apporte réellement à la société.
- Aller plus loin
« Le bio s’est réduit à du conventionnel sans pesticides. Il faut redire sa vocation, son projet de société, réexpliquer ses bénéfices sur la biodiversité et la réalité socio-économique ».
Dans cette époque de green-washing où les discours écologistes renferment tout et n’importe quoi, dans cette époque où l’utilisation du glyphosate vient d’être réautorisée par la Commission européenne pour une durée de 10 ans (avec abstention de la France), il faut le réaffirmer : « consommer bio, c’est transformer la société dans laquelle on vit » conclut Pierrick de Ronne.
Le secteur de la bio, confronté à une baisse de ses ventes, se pose les questions nécessaires et redessine son nouvel horizon. Plus que jamais, défendons le bio avec Sevellia !
Caroline Da-Chavigny